Au musée du Luxembourg :
Fantin-Latour à fleur de peau
Damien Regis
Kiné actualité n° 1464 - 03/11/2016
Image ci-dessus : Henri Fantin-Latour, "Autoportrait, la tête légèrement baissée", 1861, huile sur toile ; 25,1 x 21,4 cm. Washington, National Gallery of Art.
L’exposition retrace toute la carrière de cet artiste qui, dans sa jeunesse, s’était d’abord attaché à la restitution fidèle de la réalité, sans oser s’aventurer hors de la vie. Il faudra attendre quelques années pour le voir explorer une veine plus poétique qui le rapprochera des symbolistes.
Présentées suivant un plan chronologique, les œuvres de Henri Fantin-Latour parcourent donc les années, depuis sa jeunesse, lorsqu’il se limitait à réaliser de troublants autoportraits, jusqu’au soir de sa vie quand il ose enfin laisser libre cours à son imagination. “Je me fais plaisir”, écrira-t-il. Ce parcours s’appuie sur plus de cent tableaux, lithographies, dessins et autres études préparatoires. On a dit de Fantin-Latour qu’“il étudiait le caractère des fleurs comme celui d’un visage humain” pour souligner sa façon de positionner l’un et l’autre sur une même toile, en donnant l’impression que les deux se regardent ! Cette observation résume les deux genres dans lesquels l’artiste s’est exprimé avec un même bonheur : le portrait et la nature morte. Jusqu’à les confondre. Lui-même ne disait-il pas : “On peint les gens comme des pots de fleurs !”
Henri Fantin-Latour, "La lecture", 1877, huile sur toile ; 97,2 x 130,3 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. |
Des “portraits” de fleurs
Ce sont ces deux genres, dans lesquels il a excellé, qui ont fait la réputation de Fantin-Latour, au point d’en faire le portraitiste français le plus sollicité de son temps. Ses portraits saisissants de Zola, Manet, Rimbaud, Renoir, Baudelaire ou Monet restent au cœur de son œuvre. Émile Zola dira même de l’artiste qu’il “connaît sa palette comme personne au monde”. Le peintre révèle un sens très aigu de l’observation en s’attachant à des détails infimes pour donner plus de réalisme et de vie aux personnages qu’il couche sur la toile.
Confiné dans son atelier avant de rencontrer le succès, Fantin-Latour trouva d’abord ses sources d’inspiration dans son univers proche. C’est ainsi que ses deux sœurs lui servirent de modèles, tantôt en liseuses, tantôt en brodeuses. Et les objets du quotidien se retrouvent dans ses premières natures mortes.
C’est aussi, et peut-être surtout, dans la réalisation de ses somptueux bouquets floraux qu’il se distingua très vite. Ces derniers sont si bien composés, si bien réalisés, avec un rendu des matières exécuté en virtuose, que les spécialistes de Fantin-Latour parlent à leur propos de “portraits” de fleurs. L’artiste en réalisa par dizaines, notamment pour satisfaire ses riches clients de l’aristocratie britannique qui en raffolaient.
Henri Fantin-Latour "Roses", 1889, huile sur toile ; 44 x 56 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. |
Une véritable ode à la beauté
L’exposition est divisée en quatre grandes parties. D’abord ses œuvres de jeunesse, ses premiers portraits déjà très révélateurs d’un talent hors du commun. Puis vient la période 1864-1872, quand Fantin-Latour, avec panache, se jette à corps perdu dans des portraits de groupes : Le toast, Un atelier aux Batignolles ou Coin de table en sont quelques exemples. La troisième partie montre le meilleur des natures mortes, des portraits et des tableaux de fleurs. L’artiste est alors au sommet de son art. Puis on termine par les œuvres dites d’imagination, qui occupent une part de plus en plus grande dans son travail. Ses sources d’inspiration sont alors la musique, la mythologie et le corps des femmes qu’il traite de façon allégorique dans de magnifiques tableaux qui sont une véritable ode à la beauté.
L’abondante correspondance de Fantin-Latour avec les artistes de son temps montre très bien la sensibilité d’un artiste complexe dont l’œuvre traduit l’expression tout en nuances de son caractère.
Jusqu’au 12 février 2017 |
© Courtesy National Gallery of Art, Washington
© musée des Beaux-Arts de Lyon / Photo Alain Basset
© Musée des Beaux-Arts de Lyon/Photo Alain Basset.