Au musée des Impressionnistes de Giverny :
Sorolla, un Espagnol à Paris
Damien Regis
Kiné actualité n° 1456 - 08/09/2016
Remarqué à la fin du 19e siècle pour ses paysages, portraits et autres scènes de plage exécutés dans un style audacieux et novateur, Joaquín Sorolla s’apparente à l’école impressionniste, principalement pour ses effets de lumière. C’est pour cette raison que le musée des Impressionnistes de Giverny (Eure) lui consacre cette exposition dans le cadre de la grande manifestation pluriannuelle “Normandie impressionniste”. Celle-ci marque un nouvel épisode de l’histoire d’amour de Sorolla avec la France. Primé à plusieurs reprises à Paris dans les années 1890, il avait remporté un Grand Prix, avec mention spéciale, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 pour son célèbre Triste héritage (1899).
Placée sous la haute autorité scientifique de son arrière-petite-fille, Blanca Pons-Sorolla, l’exposition de Giverny montre l’évolution des relations du peintre avec la capitale française, de son premier voyage en 1885 jusqu’à l’époque où sa notoriété en avait fait le portraitiste attitré d’une clientèle riche et cosmopolite. Une cinquantaine de tableaux ont été prêtés par le Museo Sorolla de Madrid ; les autres proviennent de collections publiques ou privées, européennes ou américaines. Certaines œuvres avaient déjà été montrées dans la galerie Georges Petit en 1906.
Joaquín Sorolla, "Enfants au bord de la mer", 1903. Huile sur toile, 96,2 x 130,5 cm. Philadelphia Museum of Art, acquis grâce au fonds W.P. Wilstach, 1904, inv. W 1904-1-55. |
Ses proches pour modèles
Déjà reconnu à Munich, Berlin ou Vienne, c’est en venant en France à la rencontre des artistes naturalistes que Joaquín Sorolla a découvert la pratique de la peinture en plein air, la liberté de la touche et la fascination pour la lumière, si chères aux Impressionnistes. En Espagne déjà, sur les plages des environs de Valence, ses œuvres s’attardaient sur l’arrivée des barques de pêcheurs, les scènes de baignade, le jeu des lumières du couchant… Comme Monet, il se passionne pour les reflets et la diffraction de la lumière sous le clapotis de l’eau. “Personne n’a jamais à ce point exprimé le tumulte et la transparence de la vague, la plongée des corps nus dans l’eau”, dira le critique Camille Mauclair.
Mais c’est peut-être la famille et sa représentation qui seront au cœur des préoccupations de Sorolla. Il peint d’abord des portraits des êtres qui lui sont le plus chers : son épouse bien-aimée Clotilde Garcia del Castillo et leurs trois enfants Maria, Joaquín et Elena. Le portrait de Clotilde, Mère, réalisé en 1895, est considéré par la critique comme l’un de ces tableaux capables “d’apporter une gloire éternelle à un artiste et d’inscrire son nom au rang des plus grands maîtres”.
On remarquera aussi un autre chef-d’œuvre, Elena parmi les roses, exécuté en plein air comme la plupart des portraits des membres de sa famille.
Joaquín Sorolla, “Clotilde à la robe grise”,1900. Huile sur toile, 178,5 x 93 cm. Madrid,Museo Sorolla, inv. 483. |
C’est en copiant dès les années 1880 les œuvres de Diego Velazquez – au moins une quinzaine de toiles au cours de sa carrière – que Sorolla accéda à la maîtrise du portrait, tout en refusant avec énergie d’être qualifié de portraitiste ! De même, il réfute sa proximité avec les Impressionnistes. Il va même jusqu’à qualifier l’impressionnisme de “toquade” et d’“invasion de fainéants”… Ceci au moment même où il assimile leurs technique et pratiques. Son utilisation des blancs le distingue. Ceci est notamment très net dans Biarritz – Silhouette blanche, Clotilde se promenant dans les jardins de La Granja ou encore dans Cousant la voile. Le mouvement et la précision du détail le fascinent dans l’art de la photographie. Et c’est en se rapprochant de ce rendu, tel un dessinateur, que Joaquín Sorolla atteint le sommet de son art.
Jusqu’au 6 novembre 2016 |
© Venise, 2015 / Photo : Archive Fondazione Musei Civici di Venezia
© Philadelphie, Philadelphia Museum of Art
© Madrid, Museo Sorolla