Au Grand Palais à Paris :
La protégée de Marie-Antoinette
Damien Regis
Kiné actualité n° 1422 - 05/11/2015
De portrait en portrait, la rétrospective consacrée à Élisabeth Louise Vigée Le Brun au Grand Palais balaie l'histoire de France des riches heures de l'Ancien Régime au Premier Empire en passant par la période sanglante de la Révolution. Superbe !
Elle était d’une grande beauté et avait le don d’embellir celles et ceux qui lui demandaient de réaliser leur portrait. Ainsi ses modèles devenaient-ils, par la magie de son pinceau, plus beaux, plus doux, plus jeunes, plus sensuels. Certains se trouvaient même auréolés d’une sorte de grâce divine… Qui s’étonnerait donc qu’avec autant de talent, la charmante Élisabeth Louise Vigée Le Brun n’ait pas très tôt rencontré protection et gloire. Née en 1755, l’artiste fréquenta d’abord les fastes de la cour, protégée par Marie-Antoinette, avant de traverser les étapes tragiques de la Révolution et de continuer son œuvre sous le Premier Empire où elle continua peu de temps à se distinguer.
Élisabeth Louise Vigée Le Brun, “Marie-Antoinette et ses enfants”, 1787, huile sur toile ; 275 x 216,5 cm. Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. |
Élisabeth Louise Vigée Le Brun, “Portrait par elle-même”, 1800, huile sur toile ; 78,5 x 68 cm. Saint-Petersbourg, musée de l’Ermitage. |
Les 130 œuvres venues de France, d’Italie, d’Autriche, de Russie et de New York actuellement rassemblées pour cette première grande rétrospective – et pour certaines présentées pour la première fois – courent au fil du temps et tournent les pages, heureuses ou sanglantes, de trois époques majeures de l’Histoire de France.
Durant toutes ces époques, les portraits de Madame Vigée Le Brun se caractérisent par la précision du trait, la douceur des mouvements et, plus encore, par l’audace de l’artiste dans l’utilisation et la maîtrise parfaite des couleurs, au point d’acquérir une enviable réputation de coloriste. Passée maîtresse dans l’art des glacis transparents, elle donnait vie et chaleur à ses modèles comme personne avant elle. Parfois même avec un très léger soupçon d’érotisme, bien dans l’esprit de la peinture du 18e siècle.
Un pastelliste de renom pour père
Si elle avait acquis le goût de cette façon de peindre auprès de son père, lui-même spécialiste réputé du pastel, elle dût apprendre à tailler seule sa route après la mort de ce dernier alors qu’elle n’avait que douze ans. Elle venait tout juste d’étudier les arts flamand et italien lorsqu’elle se fit remarquer, à l’âge de quinze ans, en réalisant un remarquable portrait de sa mère. Sa vocation était née et le succès fut rapidement au rendez-vous.
La cour et Paris s’entichent très vite de cette jolie jeune fille dont le talent rivalisait avec un esprit fin, ainsi que l’époque les aimait tant.
Dans son atelier proche du Palais Royal, Élisabeth Louise Vigée Le Brun est au centre du pouvoir et de toutes les attentions. La comtesse de la Vieuville, la puissante Madame d’Aguesseau et même le marquis de Choiseul, ministre de Louis XV, lui passent commande. En 1779, elle est présentée à la reine Marie-Antoinette qui, sous le charme, en fait sa peintre attitrée. La jeune artiste, du même âge que la souveraine, réalisera pas moins d’une dizaine de portraits d’elle, aussi avantageux les uns que les autres.
Adélaïde Labille Guiard (1749-1803), “L’artiste dans son atelier avec deux de ses élèves, Marie-Gabrielle Capet et Marie-Marguerite Carreaux de Rosemond”, 1785, huile sur toile ; 210,8 x 151,1 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art, don de Julia A. Berwind, 1953. |
Élisabeth Louise Vigée Le Brun, “La baronne Henri Charles Emmanuel de Crussol Florensac, née Bonne Marie Joséphine Gabrielle Bernard de Boulainvilliers”, 1785, huile sur panneau de bois ; 112 x 85 cm. Toulouse, musée des Augustins |
L’exil russe
La Révolution va très vite lancer Mme Vigée Le Brun et sa fille sur des routes incertaines jusqu’à ce que la cour de Russie l’accueille à Saint-Pétersbourg. Cet exil va durer douze ans. Et quand elle retrouve Paris, elle est aussitôt accueillie avec chaleur par Joséphine Bonaparte mais le charme est rompu et sa vie perd de son intensité jusqu’à sa mort en 1842.
Ses portraits des dames de la cour, des courtisanes et des grandes aventurières dont elle a croisé le destin sont au centre de l’exposition. Marie-Antoinette et ses enfants est sans doute le plus fameux d’entre eux.
Jusqu’au 11 janvier 2016 |
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) /Daniel Arnaudet
© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
© The State Hermitage Museum /Vladimir Terebenin, Leonard Kheifets, Yuri Molodkovets,Svetlana Suetova, Konstantin Sinyavsky
© The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMNGrand Palais / image of the MMA
© Daniel Martin