Un grand d'Espagne au Grand Palais : Velasquez, «le peintre des peintres»
Damien Regis
Kiné actualité n° 1401 - 16/04/2015
Curieux parcours que celui de Diego Rodriguez de Silva Velasquez, dont une large partie de l'œuvre est présentée aujourd'hui au Grand Palais, à Paris, où pas même le Louvre ne possède un de ses tableaux ! Né à Séville en 1599, il entre très jeune dans l'atelier du peintre Fransisco Pacheco dont il épousera la fille. Fait singulier : ce n'est pas dans les scènes religieuses, très prisées à l'époque, où il puise son inspiration, mais dans les ruelles du Madrid des bas-fonds, là où la "vraie vie" lui procure de réels émois artistiques. Rien ne prédit alors que Velasquez deviendra l'une des plus marquantes figures de l'art européen, tous styles et toutes époques confondus. Il s'affirme très vite comme chef de file de l'école espagnole et se voit nommé, à seulement 24 ans, peintre attitré du jeune roi Philippe IV alors que l'Espagne domine le monde de sa puissance. Le début d'une ascension artistique et sociale qui le mènera aux plus hautes charges du palais et au plus près du souverain.
Des portraits remarquables
Le peintre de la cour de Madrid va imposer son art et prendre place parmi les artistes les plus prestigieux, comme Michel-Ange, Raphaël, le Caravage ou Rembrandt. Il excelle dans le paysage, la peinture d'histoire ou encore les natures mortes, mais c'est surtout avec ses portraits qu'il se distinguera. Les naissances et les décès à la cour lui offriront l'occasion de ses plus saisissants chefs-d'œuvre. Ceux exposés au Grand Palais en témoignent. Et le monarque lui-même sacrifie à cette tradition du portrait, jusqu'au jour où il constate que la peinture réaliste de Velasquez révèle trop son propre vieillissement…
Les visages qu'il peint semblent de facture classique alors que la vie, l'émotion et les sentiments percent sous leurs traits. Sombres messieurs aux moustaches noires et à l'œil charbon, nains de cour au regard fripon, infantes poudrées à l'allure maussade, pape et cardinaux endimanchés, musiciens en répétition… Ses œuvres marquent au fil du temps une évolution sans doute due aux deux voyages qu'il effectue en Italie en 1630 et 1650.
Jamais il ne parvint à faire le voyage de Paris dont il rêvait tant. De même aucun des portraits qu'il réalisa de l'infante Marie-Thérèse, future épouse de Louis XIV, ne parvinrent en France. Velasquez, devenu "grand maréchal" du palais royal, sera même désigné comme témoin du mariage de l'infante en 1660. Il a été anobli et porte le titre d'hidalgo, ses lourdes charges le conduisant même à abandonner la peinture lors de ses dernières années.
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez, "Autoportrait", 1640-1650. Huile sur toile, 45x38 cm. Valence, Museo de Bellas Artes, collection de la Real Academia de San Carlos. | Diego Rodríguez de Silva y Velázquez, "Portrait de l'infant Baltasar Carlos sur son poney", 1634-1635. Huile sur toile, 211,5x177 cm. Madrid, Museo National del Prado. |
"Les Ménines", une absence remarquée
L'exposition du Grand Palais entend présenter un panorama complet de l'œuvre de Velasquez. D'abord le climat artistique de l'Andalousie au début du 17e siècle. Ensuite la période de sa découverte de Madrid et ses débuts comme peintre à la cour.
Enfin ses dix dernières années, quand il est au summum de son art.
Un seul regret : Les Ménines, son plus célèbre tableau, n'est pas présenté. On ne saura jamais si c'est Madrid qui a refusé de le prêter ou Paris qui a refusé de prendre le risque de le faire venir (notamment en raison des coûts d'assurance). Réponse de la direction du Grand Palais : "Les Ménines ne sont pas un tableau mais un monument qui ne se déplace pas !" Dont acte.
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez, "Portrait du pape Innocent X", 1650. Huile sur toile, 140x120 cm. Rome, Galleria Doria Pamphilj. |
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez, "Cheval blanc", 1634-1638. Huile sur toile, 310x243 cm. Madrid, Palacio Real (Patrimonio Nacional). |
Jusqu'au 15 juillet 2015 Tél. : 01 44 13 17 17 et www.grandpalais.fr |
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