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Au Petit Palais à Paris : Dans les bas-fonds du baroque

Damien Regis
Kiné actualité n° 1398 - 26/03/2015

C'est la Rome cachée, l'envers du décor, une ville plongée dans la débauche et la suprême pauvreté que présente l'étonnante exposition montée au Petit Palais à Paris. À voir !

L’image de la Rome fastueuse de l’âge baroque, toute entière au service du pouvoir absolu et à la gloire des papes au 17e siècle, en prend un rude coup !  Le voile se déchire et la capitale italienne s’y montre sous des visages inédits et peu reluisants. Les réalités du quotidien éclatent au grand jour avec leur cortège de misère et de vice : beuverie, jeux, prostitution et violence semblent la gangréner. Cela sous le regard passif d’une puissante Église qui ne rechigne pas à commander et à exposer ces tableaux qui ne sont pourtant pas à son honneur.
Cette Rome “grossière et commune” est à l’origine d’une importante production artistique dont les quelque 70 tableaux majeurs montrés à Paris ne représentent qu’une partie. Venus de toute l’Europe, les peintres qui signent les œuvres sont italiens, français, hollandais, flamands, allemands et espagnols. Ils ont pour noms Claude Lorrain, Simon Vouet, Bartolomeo Manfredi, Valentin de Boulogne, Gerrit van Honthorst, Théodoor Rombouts, Pieter van Laer ou Jusepe de Ribera. Autant de maîtres reconnus au service d’une réalité crue et dérangeante !
Parmi ces artistes, dans cette Rome aux deux visages, certains passaient allègrement d’un genre à un autre : d’un immense tableau “convenable” destiné au retable d’une église à une scène de tricheurs dans une taverne des mauvais quartiers. Les peintres du nord de l’Europe s’étaient regroupés au sein d’une confrérie secrète (les “Oiseaux de la bande”), placée sous la protection de… Bacchus. On ne sera donc pas étonné de les voir se concentrer sur la représentation très réaliste des tripots, des filles de joie et des beuveries.

Bartolomeo Manfredi, "Bacchus et un buveur", vers 1621.
Huile sur toile, 132 x 96 cm, Galleria Nazionale di Arte Antica in Palazzo Barberini.

L’art comme révélateur du quotidien
En réalité, ces toiles étaient censées dénoncer ce qu’elles mettaient en lumière : l’ivresse, la débauche, la violence… qui faisaient tache dans une ville totalement contrôlée par l’Église. C’est pourquoi les peintres n’hésitaient pas à se mettre en scène dans leurs œuvres. C’est aussi la raison qui conduisait les cardinaux de la Curie romaine et autres princes de l’Église à exposer, dans des cadres dorés, ces scènes réalistes dans les salons de leurs palais épiscopaux. À cela il faut ajouter le rôle de mécènes que ces dignitaires religieux se plaisaient à tenir.
Ainsi le Concert au bas-relief était-il la propriété du cardinal Mazarin et le grand Jeune homme nu sur un lit avec un chat, au regard troublant et si aguicheur, signé Giovanni Lanfranco, avait-il trouvé place dans les salons de la reine Catherine de Suède, convertie au catholicisme et installée à Rome.
Le tableau le plus provoquant et choquant est sans doute celui signé par Claude Gellée (dit le Lorrain), titré Vue de Rome avec une scène de prostitution qui montre une mère maquerelle se saisir d’une somme d’argent en échange d’une jeune enfant qu’elle livre à son client. Une réalité souvent sombre et violente.

Jusqu’au 24 mai 2015
Les bas-fonds du baroque –
La Rome du vice et de la misère
Petit Palais
Avenue Winston Churchill 75008 Paris
Tél : 01 53 43 40 00 et www.petitpalais.paris.fr

© Collection particulière
© Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico, Artistico ed Etnoantropologico e per il Pollo Museale della città di Roma

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