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Incontinence masculine après cancer de la prostate et kinésithérapie

Pelvi-périnéologie et ano-rectal

Située dans le petit bassin, sous la vessie, la prostate est traversée par l’urètre.

La prostate adulte a la forme d’un marron d’Inde. C’est une glande sexuelle secondaire.

Par l’extrémité inférieure de la prostate ou bec sort l’urètre qui conduit l’urine et l’éjaculat vers le gland.

La glande pèse environ 15-25 gr et mesure environ 30 mm de haut, 40 mm de large et 30 mm d’épaisseur à sa base. Progressivement avec l’âge, la glande devient plus grosse elle s’hypertrophie. On nomme cet aspect de la glande l’hypertrophie bénigne de la prostate ou HBP.

La vessie est un réservoir  destiné à recevoir et à contenir les urines dans l’intervalle des mictions. Elle est située en arrière du pubis. Pour un diamètre moyen de 6 à 8 cm, la capacité physiologique moyenne est d’environ 300 ml qui correspond à un besoin mictionnel ; vers 400 ml, le besoin devient douloureux et ne peut être différé longtemps. La vessie est un muscle lisse comprenant trois couches musculaires recouvertes d’une muqueuse (fig. 1).

Figure 1
vue générale vessie-urètre-prostate de profil

Adénome prostatique : la prostate prend du volume de façon inéluctable avec l’âge par développement d’une tumeur bénigne (fig. 1) Cet adénome est le plus souvent silencieux du point de vue clinique. Seulement 10 % de l’ensemble des individus par la gêne occasionnée par l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) seront menés à une intervention chirurgicale dont les séquelles pourront bénéficier de nos techniques rééducatives.

Cancer de la prostate : le deuxième élément en fréquence de la pathologie prostatique pouvant aboutir à une cure chirurgicale.

Il doit absolument être détecté chez le sujet de moins de 70 ans d’âge physiologique. Le toucher rectal simple en détecte moins de 10 %, l’échographie 14 %, le PSA 2 % dans un seuil liminaire, mais 28 % lorsque le taux est au-dessus de 10 Ng/ml (seuil normal : 2 Ng/ml, et 4 Ng/ml après 60 ans), mais les trois combinés ont une valeur prédictive bien plus grande. À la moindre suspicion, l’urologue fera une série de biopsies, seul examen affirmant le diagnostic et étudiant la différentiation de la tumeur (indice de Gleason).

Le cancer de la prostate du sujet jeune, localisé à la glande, est le plus souvent traité par vésiculo-prostatectomie totale élargie (fig. 2), encore appelé prostatectomie totale radicale (PTR).

L’intervention consiste en l’ablation des relais ganglionnaires, puis l’exérèse de la prostate, des vésicules séminales, et des canaux éjaculateurs.

Le rétablissement de la continuité urinaire est assuré par une suture du col vésical sur l’urètre sphinctérien.

Figure 2
sur la figure de gauche, le chirurgien a pratiqué une adénomectomie (ablation de l’intérieur de la prostate). Il existe une continuité entre le col de la vessie et l’urètre.
Au contraire, sur la figure de droite et en raison du cancer, le chirurgien enlève en bloc la prostate et a suturé l’urètre au col de la vessie.

Schémas inspirés par le Dr Teyssier, illustrant une documentation des Laboratoires AstraZénéca

Cette intervention a deux conséquences :

– la récupération secondaire d’une continence qui peut être imparfaite ;

– la disparition dans la grande majorité des cas des érections par section des nerfs érecteurs.

Morbidité : en France, 38 cas pour 100 000 annuels. En Europe, 85 000 nouveaux cas par année, soit près de 13 % des cancers masculins.

Mortalité : 10 % en France, donc au second rang, le premier étant le cancer des poumons.

Suites opératoires : simples en principe s’il n’existe pas d’extension obligeant à un traitement par radiothérapie ou chimiothérapie. La sonde urinaire est retirée à 6 à 7 jours postopératoires.

© M.-C. Cappeletti

Avant l’intervention, le patient se plaint Le plus souvent de dysurie (difficulté à uriner), de la baisse du volume uriné (petit jet), de pollakiurie (mictions fréquentes diurnes et nocturnes).

Après l’intervention, en ce qui concerne la continence, il existe dès l’ablation de la sonde une grande impossibilité de retenir le contenu vésical. Donc une fuite importante lorsque le patient se lève, tousse ou fait un effort. Cela l’oblige à se munir d’une protection quasi permanente.

Pour le cancer de la prostate, le diagnostic repose essentiellement par le toucher rectal. L’urologue perçoit sur la face postérieure de la prostate de petits grains. La glande a perdu de sa souplesse et peut avoir un volume augmenté. En outre, le patient peut désirer consulter pour les troubles cités plus haut : envies fréquentes d’uriner surtout nocturnes, difficultés à vider sa vessie, petit jet.

Le diagnostic peut être suggéré fortuitement par une recherche une élévation du taux de l’antigène prostatique dans le sang le PSA qui n’est pas un marqueur spécifique mais alerte tout de même si sa valeur augmente significativement.

On peut aussi faire une échographie, mais le diagnostic réel s’établit par la recherche directe de cellules cancéreuse par prélèvements dans la glande (biopsies).

En postopératoire, le diagnostic liant l’incontinence et l’opération est évident. Le type d’incontinence est alors bien précisé et un pronostic peut être posé dès les premières semaines.

En milieu chirurgical, le kinésithérapeute est sollicité en pré-intervention pour aider le patient à programmer l’intégration de la musculature périnéale qui suppléera les dommages de la chirurgie (ablation du sphincter interne). En outre, il pourra répondre aux questions sur l’éventuelle incontinence et les problèmes d’ordres érectiles fréquemment évoqués lors de ce type d’intervention.

Après l’intervention, lors de l’ablation de la sonde posée par le chirurgien, le patient peut se plaindre d’une incontinence urinaire très invalidante. Durant les quelques jours nécessaires à la cicatrisation (15 à 20 jours), des conseils pour les protections et la mise en place, si besoin, d’étuis péniens (collecteurs d’urine) seront donnés au patient par le kinésithérapeute qui contribuera ainsi à dédramatiser ce pénible moment.

Vient ensuite, si l’incontinence perdure, la rééducation proprement dite avec les techniques classiques : rééducation proprioceptive et comportementale, renforcement des muscles élévateurs par des techniques digitales et électro stimulantes et inhibantes pour les vessies hyperactives.

Progressivement, le rééducateur va aider le patient à se sevrer des protections et des étuis péniens. Selon la complexité des désordres et la régression de l’incontinence, il peut y avoir une série de 20 à 30 séances éventuellement renouvelées.

Si les traitements par rééducation prolongée demeurent inefficaces, l’urologue peut proposer une intervention par bandelettes sous-urétrale et, en cas d’incontinence incontrôlable, il est quelquefois envisagé la pose d’un sphincter artificiel.

Un patient de 71 ans présente une incontinence urinaire après prostatectomie le 16 septembre 2012 par le Dr C. à la clinique X. Réintervention pour sténose urétrale et blocage urinaire après une période de continence ayant succédé à 15 séances de rééducation. Ordonnance du Dr C. pour séances supplémentaires. Le patient présente une incontinence modérée, il porte une protection coque dans la journée, et commence parallèlement une série d’injections pour troubles de l’érection.

Le bilan montre un testing à 3/5, bien corticalisé, une fuite en VLPP (Valsalva leak point pressure) lorsqu’il fait un effort en apnée, et quelques gouttes de fuites debout après mouvements. Le calendrier mictionnel est normal, pas de miction involontaire, la vessie est normo-active. Le patient est actif, pratique le golf, se rend fréquemment en réunions pour une association, et il est très motivé.

Le traitement propose :

– une électrothérapie avec sonde anale adaptée avec un courant de 50 Hz, à visée proprioceptive et excitomotrice, à intensité suffisante pour déclencher une contraction efficace ;

– des exercices avec rétrocontrôle  sur écran ou biofeedback ;

– des exercices avec dispositif lesté en position debout face à un miroir pour autocontrôle, le lest est adapté aux possibilités du patient et évolutif. Ce dispositif lui est confié pour poursuite de la rééducation à domicile.

La continence a été retrouvée après 12 séances.

Le kinésithérapeute compétent en rééducation masculine doit avoir subi une formation spécifique théorique et pratique. Ces formations sont actuellement dispensées par l’Institut national de la kinésithérapie.

Les enseignants experts ont constitué une liste de confrères compétents. Cette liste peut être consultée par ville ou département après demande à arrep-fr.org ou arrep@free.fr.

Auteur : Max-Claude Cappelletti