Le massage en réhabilitation respiratoire
Bertrand Selleron
Kinésithér Scient 2017,0584:51-52 - 10/02/2017
Si le massage est considéré comme un des piliers de notre métier, un fondement identitaire, nous regrettons que le niveau de preuve de cette technique soit souvent trop faible pour valider notre expérience clinique. Il en est de même dans le domaine de la kinésithérapie respiratoire où les études cliniques des effets du massage sont très peu nombreuses et d’une qualité méthodologique parfois insuffisante pour tirer des conclusions.
Ainsi, les principaux ouvrages de références (en français et en anglais) sur la réhabilitation respiratoire ne mentionnent même pas le massage dans les techniques de kinésithérapie. Il en est de même pour les recommandations de pratique clinique. Une seule revue de la littérature a identifié le massage comme composante validée de la kinésithérapie des BPCO [1]. Pourtant, nous pouvons tirer de la littérature scientifique quelques pistes pour guider notre pratique clinique du massage en réhabilitation respiratoire.
Pour quelles maladies respiratoires ?
La massothérapie est utilisée de longue date en pédiatrie et est évoquée pour réduire l’anxiété, améliorer la trophicité corporelle et améliorer la fonction respiratoire.
Dans la mucoviscidose, la kinésithérapie est ciblée sur le désencombrement bronchique et la prévention des infections pulmonaires. Les séances de kinésithérapie peuvent être pluriquotidiennes et les parents peuvent être associés à la mise en œuvre des techniques de désencombrement bronchique.
Toujours dans un contexte pédiatrique, différentes techniques de massage ont été utilisées et évaluées dans le traitement de l’asthme avec des objectifs allant de la réduction du bronchospasme, la détente des muscles inspirateurs accessoires et la diminution de l’anxiété, tant pour l’enfant que pour les parents.
Dans la BPCO, le massage des muscles inspirateurs accessoires et paravertébraux est proposé compte tenu des conséquences mécaniques de cette maladie : distension thoracique et augmentation de la cyphose dorsale. Le massage vise alors à réduire les myalgies et pourrait contribuer à réduire la dyspnée.
Quelles techniques pour quels résultats ?
Hernandez-Reif et al. [2], qui travaillent depuis de nombreuses années sur l’évaluation des effets du massage en pédiatrie, proposent un protocole de massage d’enfants atteints de la mucoviscidose combinant des frictions, des pressions et des pétrissages des muscles de la tête, du cou, du tronc et des quatre membres. Cette étude valide une réduction de l’anxiété chez les enfants et les parents après un mois. Une amélioration du débit expiratoire de pointe est aussi mesurée mais de seulement 6 %, ce qui n’est pas cliniquement significatif.
Fujimoto et al. [3], dans une étude observationnelle chez des emphysémateux, décrivent une amélioration de la capacité vitale, de la capacité inspiratoire et du débit expiratoire de pointe chez des emphysémateux au bout d’une semaine de massage décontracturant et relaxant des muscles intercostaux, paravertébraux et des trapèzes supérieurs. Ces résultats s’accompagnent d’une réduction de la PaCO2.
Kurzaj et al. [4] ont mené une étude randomisée contrôlée chez 30 patients atteints de BPCO de stades II et III. Des techniques de pétrissage ont été réalisées pendant une semaine, à raison de 30 minutes par séance, au niveau des sterno-cleïdo-mastoïdiens, pectoralis major, pectoralis minor, trapezius, levator scapula, serratus anterior et intercostaux externes. Cette étude valide l’amélioration de la fonction ventilatoire au travers de l’augmentation du VEMS, de la dyspnée d’effort et de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes.
Fattah et Hamdy [5], dans un essai randomisé contrôlé auprès de 60 enfants asthmatiques retrouvent de même une amélioration du VEMS et du rapport de Tiffeneau.
Ghazavi et al. [6], dans autre essai randomisé et contrôlé chez 60 enfants asthmatiques de 5 à 14 ans massés par leurs parents, valident la réduction de l’anxiété chez les enfants et les parents.
Enfin, rappelons qu’une revue systématique de la Cochrane Library [7], antérieure aux deux précédentes études, avait invalidé les effets supposés du massage réflexe du tissu conjonctif sur le bronchospasme.
Conclusion
Au cours de la dernière décennie, moins d’une dizaine d’études cliniques ont porté sur les effets du massage dans le traitement des maladies respiratoires. Néanmoins, la qualité méthodologique de ces études n’a cessé de progresser et permet désormais de tirer des conclusions suffisamment solides pour guider notre pratique clinique.
La réhabilitation respiratoire vise l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques. Le massage peut y contribuer en participant à une revalorisation de la perception du corps. Plus particulièrement, notre meilleure compréhension du rôle des muscles ventilatoires dans le mécanisme de la dyspnée et de la composante affective de cette dernière doit nous orienter, dans la pratique comme dans la recherche, vers une reconsidération du massage en réhabilitation respiratoire.
BIBLIOGRAPHIE [1] Medeiros de Alvarenga G et al. Physiotherapy interventin during level I of pulmonary rehabilitation on COPD: A systematic review. The Open Respiratory Medicine Journal 2016;10:12-9. |
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