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17es Assises de la kinésithérapie :
L'Europe, creuset d'expériences pour construire l'autonomie

Alexandra PICARD
Kiné actualité n° 1455 - 14/07/2016

Inscrit dans la continuité des deux tables rondes précédentes, le dernier débat, intitulé \"Vers l'autonomie de la profession : exercice, particularités, spécificités\", a posé le 18 juin les jalons d'une réflexion sur la meilleure manière d'aboutir à plus d'autonomie, en s'inspirant d'expériences européennes. Voici ce que l'on peut en retenir.

L’autonomie est une condition sine qua non pour faire avancer la profession. Tel est le point de vue de l’anglaise Sarah Bazin, présidente de la WCPT-Europe, qui a mis en avant “le haut degré d’expertise des masseurs-kinésithérapeutes”, disposant aujourd’hui “de toutes les connaissances et les compétences” nécessaires pour une pratique plus autonome. Des atouts qui placent le masseur-kinésithérapeute dans un rôle d’“expert”, n’ayant pas besoin d’un autre professionnel de santé pour prescrire des séances. “Le respect et la confiance” sont les clés d’un travail serein entre masseurs-kinésithérapeutes et médecins. “Avoir confiance en notre propre compétence concourra à nous faire respecter de ces derniers également.” Fervente partisane d’une pratique autonome, Sarah Bazin a souligné la nécessité de “fondements solides”, une prise en charge efficace et de qualité se forgeant grâce à “l’apprentissage et le développement de la formation continue”.

Un discours auquel Daniel Michon, président du Collège national de la kinésithérapie salariée (CNKS) et directeur de l’ENKRE de Saint-Maurice (94), a été sensible. Il s’est réjoui de “voir enfin la France faire un grand pas en avant, avec la réforme de la formation initiale” qui se déploie depuis septembre 2015 et qui a permis de “sortir d’un système de formation de techniciens” pour parvenir à “un raisonnement professionnel, socle du premier cycle, qui permettra in fine d’aboutir à une formation de praticiens”. Pour autant, selon lui, tout n’est pas gagné puisque les kinésithérapeutes français ne disposent pas encore du grade master mais uniquement d’une formation 1 + 4, “ce qui n’est pas exactement ce que nous espérions”.

Laurent Rousseau, en charge de la prévention à la FFMKR.

Mutualiser les savoir-faire
De nombreux exemples étrangers ont été cités lors de cette table ronde, face à un auditoire attentif. Sarah Bazin a ainsi évoqué “ce qui a été mis en œuvre pour la maladie de Parkinson, lorsque tous les pays européens membres de la WCPT ont mutualisé leurs savoir-faire pour mieux la prendre en charge”.

Le 21 janvier 2016 a été signé “un protocole d’accord entre la WCPT-Europe et le Comité permanent des médecins européens, actant que les masseurs-kinésithérapeutes peuvent dorénavant agir de manière autonome sur certaines pathologies”. Un engagement fort pour l’anglaise, qui promeut le développement de l’accès direct dans tous les pays européens. Elle a rappelé qu’“en Angleterre, les physiothérapeutes (qui certes exercent en grande majorité en milieu hospitalier, en tant que salariés) ont réussi à étendre leur domaine d’exercice grâce à une meilleure collaboration avec les autres professionnels de santé”.

La Belgique offre également une piste intéressante avec “des compétences particulières officiellement reconnues dans différents domaines comme la gériatrie, la réhabilitation cardiovasculaire, l’ostéo-articulaire”, a détaillé Roland Craps, premier vice-président de la WCPT-Europe.

La prévention, une porte ouverte sur l’accès direct
Côté français, Laurent Rousseau, secrétaire général de la FFMKR chargé de la prévention, de l’exercice hors nomenclature et des relations avec l’Unocam, milite pour l’accès direct via la prévention. Si elle monte en puissance dans les cabinets, les masseurs-kinésithérapeutes seront à même de mieux “trier et traiter les patients, détectant d’éventuels drapeaux rouges et le renvoyant chez le médecin si nécessaire”. La prévention est selon lui un pan de l’activité “à prendre à bras-le-corps pour qu’il devienne un exercice à part entière”. Pratiquée par un grand nombre de confrères, elle aurait de nombreuses vertus comme “favoriser la récupération d’informations pour mener des recherches, mais également ouvrir sur un bilan standardisé et reproductible”. Anticipant le jour où elle sera rentrée dans les mœurs, Laurent Rousseau a déjà commencé à “discuter avec les mutuelles pour obtenir un financement des séances en première intention”.

Roland Craps, premier vice-président de la WCPT-Europe. Daniel Michon, président du CNKS et
directeur de l'ENKRE de Saint-Maurice (94).

Une “culture médicale” partagée avec les médecins
Mais avant de parvenir à l’accès direct, il est nécessaire de développer un haut niveau d’exigence dans son travail, ont rappelé les différents intervenants. Cela passe notamment par “une tenue exemplaire des dossiers, grâce à une bonne communication avec le patient sur sa pathologie”, soutient Sarah Bazin. Une méthode de travail qui ne peut aboutir que “grâce à une culture médicale partagée avec les médecins”, renchérit Daniel Michon. Pour pouvoir parler d’égal à égal (ou presque) avec eux, il serait bon que la formation initiale des masseurs-kinésithérapeutes intègre davantage l’université, “notamment les enseignements de sémiologie et de physiopathologie” car “la physiothérapie est une médecine naturelle”, explique-t-il. Une connaissance partagée qui “améliorera la confiance des médecins vis-à-vis de nous, qui seront donc plus enclins à déléguer”, argumente-t-il, soulignant l’importance d’une communication interprofessionnelle, “actuellement inexistante”.

Machiavel, un guide pour manœuvrer politiquement

Pourquoi s’intéresser à Machiavel en tant que masseur-kinésithérapeute ? La réponse paraît peu évidente de prime abord, mais lorsque l’on se penche de plus près sur les écrits du philosophe italien, les intérêts se révèlent multiples. Connaître sa vision des arcanes politiques permet de disposer d’armes supplémentaires lors de négociations comme celles qui se profilent cette année entre les représentants de la profession et ceux de l’assurance maladie.

La philosophe Marie Gaille a clôturé les
Assises avec un exposé sur Machiavel.

Et s‘il y a un homme qui a révolutionné la pensée politique, c’est bien lui. Dans un contexte où les manières de faire de la politique sont en perpétuelle évolution, il peut être utile de rechercher, comme il le suggère, la “vérité effective de la chose” (par différence avec la “vérité idéale” et la “vérité des apparences”) et, pour y parvenir, de ne pas rester prisonnier d’un point de vue. Selon lui, les exemples doivent être le moteur pour bâtir une réflexion mesurée. En pesant le pour et le contre à chaque fois, à travers des exemples et des contre-exemples, cela permet d’affirmer ou infirmer la voie d’action choisie.

Machiavel rappelle également que l’homme politique doit rester attentif aux différences entre le temps passé et le temps présent, pour en dégager des analogies possibles. Des comparaisons qui permettent “d’échafauder son excellence propre”, c’est-à-dire d’opter pour la politique la plus cohérente avec le contexte donné. Une pensée politique qui refuse la résignation, le fatalisme et la paresse, mais reconnaît les vertus de l’affect et des émotions. Ce dont la FFMKR pourra s’inspirer afin d’asseoir sa vision d’une profession médicale à compétences définies et trouver des arguments pour dialoguer avec l’assurance maladie.

© Sophie Conrard/Kiné actualité

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