Entre le cure et le care
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2016,0578:01 - 10/07/2016
Soigner le mal par le mal a peut-être toujours existé. Le traitement par électrochocs par exemple, sans que le mécanisme soit connu, améliore certaines pathologies psychiatriques résistantes aux traitements conventionnels. La pratique diagnostique et thérapeutique, heureusement, s’affine, se prolongeant le plus souvent par la notion d’agir « contre » la maladie. Cependant, quand la guérison n’est plus possible, il faut composer, sortir du modèle habituel du soin. Lutter pour ne pas dépasser les limites du guérir. C’est le praticien qui finalement décide.
Les progrès médicaux ont-ils forcément comme prix un état de dépendance dans lequel le patient va survivre plus longtemps ? S’agissant des affections respiratoires chroniques, cardio et neurovasculaires et des maladies chroniques, dont nous connaissons bien la prise en charge, la réflexion éthique ne doit-elle pas se porter sur le rôle attendu du traitement ou du soin, en termes de bénéfices pour les moindres désavantages ?
La science peut défaire ce qui existe. L’infarctus du myocarde en 2016, par exemple, traité en ambulatoire, ne laisse plus le malade au lit 3 semaines ; Les données épidémiologiques, absentes dans les années 80, ont aidé à l’évolution du diagnostic clinique de l’insuffisance coronaire aiguë ; les marqueurs biologiques ont un rôle et un impact précieux. Les recommandations, les travaux d’experts ont le mérite de cadrer les pratiques. Cependant, en kinésithérapie, les multiples situations cliniques rencontrées peuvent mettre à mal l’évidence scientifique. L’incertitude engendrée ne doit pas être une limite. Le doute, le jugement et la prise de décision « en direct » anticipent souvent à bon escient la survenue de conséquences potentielles pour le patient.
Les limites d’un soin ne peuvent s’apprécier que par l’acteur qui les fait avec l’unique objectif d’apporter ce qui manque à celui qui le vit. Cette éthique force le partage de nos savoirs entre professionnels de santé. S’ils sont incomplets, nos pratiques seront incertaines. L’obligation de moyens demandée au kinésithérapeute a intérêt à tendre vers l’obligation de résultats.
Développer le rôle et les interventions de la kinésithérapie, à toutes les étapes de la vie d’un individu, peut être un moyen de renforcer les savoirs et les pratiques professionnelles. En prenant garde de laisser sa place à l’indispensable processus relationnel, à nous de les appuyer sur des bases de plus en plus objectives.
Cure or care? That is the question*...
© D.R.