17es Assises de la kinésithérapie :
Profiter des expériences étrangères
Alexandra PICARD
Kiné actualité n° 1449 - 02/06/2016
“L’international est aujourd’hui au cœur des débats politiques, car une directive européenne devrait être transposée en droit français et ainsi [1] permettre à un ressortissant étranger d’un pays membre de l’Union Européenne de venir exercer partiellement l’activité de masseur-kinésithérapeute en France, alors qu’il ne dispose pas du même niveau de formation”, s’indigne Sébastien Guérard, premier secrétaire général de la FFMKR, qui participe à l’organisation des 17es Assises de la kinésithérapie. Oui à une harmonisation internationale, mais pas n’importe comment et surtout sans renoncer aux particularités françaises.
Afin de mettre la profession sur la bonne voie, la FFMKR a décidé de favoriser, lors de ces deux jours, les échanges avec des professionnels exerçant dans d’autres pays : “En découvrant ce qui se passe à l’étranger, en particulier la place et le champ d’action du physiothérapeute par rapport aux autres professionnels de santé, nous voulons tirer la profession vers le haut, importer ce qui nous permettrait de gagner en autonomie et en efficience et nous prémunir de ce qui fonctionne moins bien”, précise Sébastien Guérard.
En préambule, Stéphane Billon, docteur en économie de la santé, reviendra sur la vision court-termiste de la Cour des comptes et ce fameux rapport publié en septembre 2015 dans lequel elle invitait à limiter les dépenses en soins de masso-kinésithérapie.
Il fera notamment valoir qu’une profession autonome, grâce à l’accès direct, suscite moins de consultations inutiles chez le médecin, permettant ainsi d’optimiser les dépenses et concourant de facto à la pérennité du système de santé actuel.
Pour développer l’accès direct, la FFMKR proposera à l’audience de réfléchir à la notion de démarche qualité, une proposition plutôt “innovante pour la profession”. Ainsi la première table ronde, portant sur “l’intérêt de la démarche qualité en kinésithérapie”, sera-t-elle l’occasion d’en débattre pour aborder au mieux les négociations conventionnelles “car qu’on le veuille ou non, nous allons devoir rentrer dans la ROSP [2]. À nous de savoir ce que l’on veut mettre dans cette terminologie”, s’interroge Sébastien Guérard, qui voit dans la démarche qualité une alternative à la pratique des quotas : “C’est un outil pédagogique imaginé pour faire évoluer notre métier dans la bonne direction. Traçabilité des actes, hygiène et optimisation du temps passé en salle d’attente sont autant d’exemples quotidiens sur lesquels nous pouvons nous améliorer”, explique le premier secrétaire général de la FFMKR. “Cela peut paraître contraignant de prime abord mais, in fine, cela aura certainement des répercussions positives sur le cabinet, en termes d’image, d’optimisation du temps et d’efficience.”
Nicolas Revel sera présent
Pour cette première table ronde, la FFMKR attend avec impatience d’échanger avec Nicolas Revel, directeur général de la Cnamts : “C’est une excellente occasion qui est offerte à la profession de connaître le sentiment de l’assurance maladie”, assure le premier secrétaire général de la FFMKR, qui rappelle que “sa présence sera d’autant plus importante que nous sommes à quelques mois de l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations conventionnelles. C’est un signal politique important. Sa présence prouve l’intérêt portée par la Cnamts aux travaux réalisés par la Fédération.”
À ses côtés, il y aura – “c’est très important pour la FFMKR” – un représentant des usagers, Christian Saout, secrétaire général délégué du CISS (Collectif Interassociatif sur la santé) ainsi que Jean-François Thébaut, président du Conseil national professionnel de cardiologie et membre du Collège de la HAS. Ses réactions seront “sans nulle doute intéressantes car la HAS a déjà édicté des règles dans le domaine de la démarche qualité, reprises par les hôpitaux”. Autre présence qui devrait enrichir le dialogue, celle de Jocelyne Wittevrongel, vice-présidente de la FSPF, qui viendra partager son expérience, ayant déjà appliqué la démarche qualité sur le terrain. “Peut-être un bon moyen de rassurer les masseurs-kinésithérapeutes”, espère Sébastien Guérard, qui veut doter la profession de tous les outils nécessaires pour la hisser vers plus d’autonomie et le statut de “profession médicale à compétences définies”.
Asseoir l’accès direct
“Une réalité qui existe déjà ailleurs”, précise la FFMKR, qui a voulu donner la parole à des physiothérapeutes étrangers, lors de la deuxième table ronde sur l’harmonisation internationale. L’idée étant de connaître ce qu’ils vivent, pour voir ce qui est applicable en France. À cette occasion, Sarah Bazin, présidente de la WCPT-Europe, devrait mettre en avant la reconnaissance des pratiques avancées et des spécificités. Quant à François Desmeules, physiothérapeute québécois [3], il témoignera de son travail dans son pays où les masseurs-kinésithérapeutes bénéficient déjà de l’accès direct.
Anthony Demont, masseur-kinésithérapeute, présentera sa pratique en kinésithérapie musculo-squelettique : “son intervention permettra de mettre en avant les parcours particuliers de certains confrères et la possibilité qu’ils ont à prétendre à l’accès direct”, indique la FFMKR qui, pour faire écho aux observations des masseurs-kinésithérapeutes, a fait appel à Éric Henry, président du syndicat des médecins libéraux (SML). “Ses commentaires devraient nous éclairer sur la position des médecins vis-à-vis de l’accès direct souhaité par notre profession.”
Derrière l’idée d’harmonisation internationale se cache la volonté d’aboutir à plus d’autonomie pour la profession, thème de la dernière table ronde. Dans ce cadre, Laurent Rousseau, secrétaire général chargé de la prévention à la FFMKR, parlera de la prévention en kinésithérapie auprès du Belge Roland Craps, premier vice-président de la WCPT-Europe, et de l’espagnol David Gorria, secrétaire général de la WPCPT-Europe. “Un domaine important pour les masseurs-kinésithérapeutes”, soutient la FFMKR, soulignant que “la pratique des bilans et des dépistages est déjà effective. L’accès direct pourrait être étendu à d’autres domaines, comme les urgences, si on arrive à s’appuyer sur la loi de santé. Ce sont en tout cas des échanges cruciaux pour l’avenir de notre profession”.
Pour Sébastien Guérard, “il faudra aussi s’interroger sur l’évolution de notre titre professionnel et la pertinence, ou non, de devenir physiothérapeutes. La plupart des professionnels sont attachés à la terminologie de masseur-kinésithérapeute et nous devons en tenir compte, sans pour autant négliger les enjeux internationaux, notamment en matière de reconnaissance de notre titre à l’étranger”. Ne manquez pas ces débats !
Rens. et inscriptionChourok Soummer |
[1] La directive européenne 2013/55.
[2] ROSP : rémunération sur objectifs de santé publique.
[3] François Desmeules est physiothérapeute et professeur et chercheur à l’Unité de recherche clinique en orthopédie (Montréal).
© F. Le Mouillour