Passage de témoin
Sophie Conrard
Kiné actualité n° 1448 - 26/05/2016
Dans les pays dits en développement, où les structures de soins sont insuffisantes ou trop lointaines pour certains patients, il n’est pas rare que la famille prenne le relais. On ne parle pas forcément d’“aidants”, comme chez nous, mais il s’agit peu ou prou de la même chose. L’association Kinés du Monde s’efforce, lors de ses missions, de former les familles des patients à certains gestes qui, dans un contexte plus favorable, seraient réalisés par des professionnels de santé.
Lorsque j’ai reçu l’article de Camille Petit [1] que nous publions cette semaine (p. 12-13), j’ai réalisé qu’en France, nous n’étions pas si loin de cette situation, pour des raisons différentes. Même s’il existe des “déserts médicaux”, la plupart des patients ont accès aux soins dont ils ont besoin, qu’il s’agisse d’être hospitalisé ou d’être suivi en libéral. Beaucoup de professionnels de santé assurent des soins à domicile. Pourtant, en particulier auprès des personnes âgées ou handicapées, la famille et les proches sont souvent amenés à prendre le relais. Une mission parfois très lourde à porter, pour laquelle ils ne sont généralement pas formés – soutenus dans le meilleur des cas par une association de patients…
Dans un avenir proche, pour des raisons essentiellement économiques (la Sécurité sociale ne peut plus tout financer) et démographiques (difficile d’assurer sur tous les fronts pour des libéraux débordés), notre système sanitaire délèguera un nombre croissant de tâches et de gestes médicaux ou paramédicaux à l’entourage du patient. C’est une certitude. Et je ne trouve pas ça très rassurant. Comment “former” au mieux les aidants pour qu’ils s’en sortent bien ? Que peut-on décemment leur déléguer ? Jusqu’où aller sans abuser de leur bonne volonté, ni de leurs forces ? J’attends des réponses à ces questions.
[1] Présidente de Kinés du Monde.
© D.R.