Faire face
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2016,0576:01 - 10/05/2016
Rester en bonne santé est une finalité banale mais essentielle que l’on peut souhaiter à notre profession à l’occasion de la célébration du 70e anniversaire de la création du diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute.
Depuis la loi du 30 avril 1946, à la fin d’une période où les auxiliaires médicaux étaient institutionnalisés, la kinésithérapie était réduite à deux outils techniques : le massage et la gymnastique médicale. Le modèle d’une profession opérateur-dépendant à haute teneur subjective va-t-il perdurer ? Il n’est pas illusoire de penser que les nouvelles compétences scientifiques qui ont intégré la formation initiale en 2016 transformeront la pratique.
Derrière la science se cache la recherche. La recherche a-t-elle besoin de la kinésithérapie ? La kinésithérapie a-t-elle besoin de la recherche ? Les patients bénéficieront-ils de la recherche en kinésithérapie ? Sans pratiques de référence, il faut maintenant démontrer scientifiquement l’efficacité de nos techniques et nos pratiques. Le collectif professionnel s’éloigne progressivement de l’empirisme. Cela sera une force.
Souhaitons que cet esprit de renouveau n’ôte pas au professionnel l’idée de « rester thérapeute ». La reconnaissance universitaire souhaitée par la profession doit renforcer le rôle propre que remplit la kinésithérapie. L’assurance maladie et les tutelles ne pourront alors qu’en prendre acte.
Tenter de voir loin et juste. De toute façon, faire face. Voilà ce que les prochaines années réservent au kinésithérapeute, qui va naviguer en sachant qu’il essuiera du gros temps. il entre désormais en concurrence avec les métiers de l’activité physique adaptée qui ont intégré le système de santé. Ce champ nous échappe. L’image sociale très médiatique du patient bien portant, renforcée par la loi de modernisation de notre système de santé, éloigne les patients porteurs de pathologies chroniques de nos cabinets. Alors que nous représentons plus de la moitié des professionnels de la rééducation, positionnons-nous dans ce domaine, nous qui connaissons leur réalité clinique, leurs valeurs et leurs préférences !
La barre est désormais dans les mains de l’Ordre, des syndicats et des URPS. Ils ont notamment la charge de conserver à la profession son caractère attractif. Nous sommes aujourd'hui 86 300 kinésithérapeutes. Nous étions 43 000 il y a 20 ans. Comment pourrons-nous vivre décement en 2030, alors que les projections s'élèvent à 117 000 professionnels ?
L’exercice libéral et le salariat ne sont pas à opposer, chacun a ses avantages propres. Cependant, des actes insuffisamment rémunérés en libéral et des salaires trop bas caractérisent encore trop ces deux modes d’exercices artificiellement clivés. L’exercice mixte est, semble-t-il, amené à se développer. Toutes les parties prenantes seront gagnantes.
Toujours jeune, la profession a des capacités. Sa maturité doit l’aider à faire face.
© D.R.