Du soin à la m-santé*...
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2016,0574:01 - 10/03/2016
La langue française évolue spontanément sous l’effet des usages ; certains, peut-être ceux-là même qui utilisent un correcteur orthographique, refusent de le voir. La santé qui se numérise semble, elle aussi, vivre une mutation ; comment ne pas s’en apercevoir, lorsque même la vie quotidienne nous incite à connecter nos objets usuels. La santé mobile (m-santé) intègre progressivement la pratique kinésithérapique. Le professionnel de santé semble destiné à évoluer avec des technologies numériques auxiliaires qui impacteront son exercice, peut-être même son environnement concurrentiel...
Le virage ambulatoire voulu par Marisol Touraine participe aussi au développement de la m-santé. Quelques capteurs embarqués et le smartphone devient appareil de mesure. Il permet le contrôle par le patient lui-même de données biologiques. Un service de télémédecine peut suivre des paramètres cliniques ; une télésurveillance transmettre des alertes. La santé s’individualise, les facilités technologiques modifient donc les comportements et les prises de décision des patients et des professionnels.
Enjeu de Santé publique ? Les maladies chroniques (de statut ALD) qui représentent près de 70 % des dépenses de l’assurance maladie ne sont pas exclues de l’évolution numérique. Outil d’aide à la prévention, notamment des maladies cardio-vasculaires, de suivi des comportements, notamment pour la surveillance de l’asthme sévère, de la prise régulière des médicaments... Il faut maintenant compter sur la coopération du patient « partenaire ».
La tendance générale est à l’automatisation des tâches. Nous n’avons plus besoin de faire par nous-même ce qui s’exécute automatiquement. De nombreux acteurs privés s’y intéressent ; une mutuelle gratifie même les marcheurs d’un chèque en fonction du nombre de pas effectués ! Une nouvelle économie, sans modèle, est en train de naître ; pour preuve le nombre croissant d’applications mobiles santé.
Mutations ou révolutions, entraînées par les usages du numérique, font évoluer le rôle du professionnel de santé. Il porte une responsabilité lorsqu’il recommande une application, notamment tant qu’elle n’est pas validée scientifiquement. Il lui faudra agir de manière vigilante, tout comme lorsqu’il dispense les soins. Le patient « maître d’œuvre » souhaite améliorer ses performances ; il est désormais aidé d’un environnement numérique qui fait sortir le corps de lui-même. Cependant, chez le kinésithérapeute, cela doit rester réversible ! Pas de reconfiguration digitale, pas de dématérialisation, le réel corporel reste au premier plan.
En 1539, c’est François 1er qui instaura que le « langaige françoys » devienne la référence face au latin. Aujourd’hui, c’est l’innovation et le progrès qui façonnent l’individu. « Homo numeris » a de grands jours devant lui... Saisissons cette opportunité !
* Santé mobile.