Un nouveau paradigme médico-économique appliqué à la lombalgie et aux TMS : l'accès direct ?
Christophe Dauzac, Aude Quesnot
Kinésithér Scient 2018,0594:01 - 10/01/2018
Quelques chiffres
Les conséquences économiques des lombalgies, à l'origine de coûts directs (consultations médicales, examens complémentaires, traitements, hospitalisations) et indirects (indemnités journalières, incapacités, etc.) sont élevés dans tous les pays industrialisés.
En France, pour la branche maladie, ils sont estimés à environ 660 millions d'euros, dont plus de 350 millions pour les arrêts de travail.
Pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ils représentent un milliard d'euros par an.
Pour rappel, la HAS concluait ainsi sa recommandation de 2005 sur la prise en charge masso-kinésithérapique dans la lombalgie commune : « Le traitement de la lombalgie aiguë est avant tout médical. Dans la lombalgie récidivante, subaiguë ou chronique, la prise en charge masso-kinésithérapique est essentielle. Suite à la prescription de masso-kinésithérapie par le médecin, le masseur-kinésithérapeute propose le nombre et le contenu des séances et informe le médecin à l’aide de la fiche de synthèse initiale. La poursuite du traitement dépendra des bilans médical et kinésithérapique, jusqu’à un nombre total de 30 séances sur une période de 12 mois. En l’absence d’amélioration à l’issue de ces 30 séances, une consultation pluridisciplinaire ou spécialisée devra être proposée. La responsabilisation du patient pourra permettre d’améliorer la qualité de la prise en charge. »
Différentes études, qu'elles soient scientifiques ou médico-économiques, viennent bousculer tant nos modes de pratique que l'orientation habituelle des patients, vers les urgences le plus souvent, ou vers les médecins en première intention.
Nous avions déjà publié en 2015 un article percutant de Remi Remondière et Philippe Durafourg, L'accès libre à la kinésithérapie : un processus à inventer en France, que nous vous invitons vivement à relire [Kinésithér Scient 2015;563:5-13].
Une étude récente de Bianca K. Frogner, Kenneth Harwood, Jesse Pines, Holly Andrilla, Malaika Schwartz, publiée par le Health Care Cost Institute et intitulée « Does unrestricted direct access to physical therapy reduce utilization and health spending? » met en exergue les bénéfices d’un accès direct des patients lombalgiques à la kinésithérapie aux États-Unis.
Ces auteurs ont comparé le coût de la dépense engendrée par la prise en charge des patients lombalgiques entre les États permettant l'accès direct au kinésithérapeute et les États qui imposent de passer préalablement chez le médecin. Les résultats sont clairs : le coût de la prise en charge des patients en accès direct est nettement inférieur au coût de la prise de la prise en charge de ceux qui transitent par le cabinet du médecin ou les urgences. Les dépenses de rééducation sont nettement moindres, mais aussi celles liées aux examens complémentaires et à la consommation de médicaments antidouleur.
L'accès direct des patients lombalgiques aux kinésithérapeutes présente le double avantage de faire des économies conséquentes de prescriptions médicamenteuses et d'examens complémentaires, tout en diminuant le coût global des soins de rééducation.
Des études similaires ont été réalisées sur l’intérêt d’un kinésithérapeute aux urgences dans la prise en charge des patients présentant des troubles musculo-squelettiques mineurs. Une étude sera publiée prochainement dans votre revue Kinésithérapie Scientifique. Les résultats sont probants : diminution des temps d’attente, désengorgement des urgences, diminution des coûts de santé (examens complémentaires, traitement pharmacologiques).
La kinésithérapie en accès direct, avec la possibilité de prescrire des examens complémentaires et de définir un traitement, existe et fait ses preuves sur d’autres continents. Une nouvelle réflexion s’ouvre pour notre profession en France !
Excellente année 2018.